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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

mençait à se reprocher de m’avoir trop demandé quand l’indignation de la voir s’accuser m’a fait revivre. Maman a attendu François pour le faire entrer par le salon. Il est revenu changé en fleuve, mais enchanté du Lorrain ; car notre fugitif est un Lorrain d’un village près de Frouard. C’est à Nanteuil seulement que ce Wakel a pu échapper à l’escorte du convoi prussien. Sans argent depuis longtemps, il ne se procurait qu’avec beaucoup de peine une nourriture insuffisante, il avait été plusieurs fois battu cruellement. Le dernier de ses chevaux mourut avant d’arriver à Nanteuil, il s’adressa une fois de plus à l’officier commandant pour être autorisé à rentrer chez lui, faisant valoir qu’il ne pourrait rendre de services sans ses chevaux. On lui répondit qu’on lui en trouverait d’autres, qu’il ne s’occupât que de marcher. Le désespoir le décida à tenter de s’échapper, il était arrivé chez nous depuis plusieurs heures. Que Dieu l’accompagne et le garde jusqu’au bout !

François a pris très-bonne opinion du pauvre garçon. Comme il ne peut retourner chez lui, il va s’engager dans le premier corps français qu’il rencontrera. François l’a laissé dans cette vieille cabane de gazon, à demi cachée par les genets, qui existe près du poteau d’Anleu ; il voulait essayer le lendemain de le rejoindre pour le conduire un peu plus loin… Mais ma lettre dépasse toutes les proportions permises.