Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

144
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

crime et a manqué supprimer la Grèce pour n’avoir pas su l’empêcher, l’Europe se tait maintenant parce que le brigandage se fait cette fois sur une échelle qui lui impose. Que c’est triste et misérable ! Et les Prussiens font, de la terreur qu’ils inspirent, une spéculation. Voilà le pauvre petit village de *** qui vient de leur donner 1,000 francs pour se racheter du pillage. On se croirait revenu aux guerres du moyen âge.

Ne t’étonne pas, ma chère sœur, si tu restes quelques jours sans recevoir de nos nouvelles. Adolphe était instamment appelé à Chevilly déjà la semaine dernière par son neveu Roland. Le pauvre garçon, après avoir mis en sûreté en Bretagne mère, femme et enfants, est resté depuis un mois tout seul dans son grand vieux château.

Avant Coulmiers, Chevilly s’est trouvé le centre des opérations des Prussiens, et Roland a passé par tant d’émotions qu’il en est tombé malade. Cela nous inquiète, et son oncle veut profiter de ce moment de calme relatif pour répondre à son appel. Je veux y aller aussi ; car mon idée fixe est de ne pas quitter Adolphe. Je suis vraiment passée à l’état de chien caniche et je le suis comme son ombre. Tant pis si je suis ridicule. Il me semble que je puis être pour lui un préservatif.

Si nous partons, ce sera dès demain matin. Penses-tu qu’il a fallu se précautionner d’un laisser-passer