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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

pays. Pour s’excuser de fuir, ils se croient obligés de représenter les maux plus grands encore qu’ils ne sont, et ainsi la terreur s’établit et gagne de proche en proche.

Mieux vaudrait vous parler de ma jambe, chère maman ; c’est du moins quelque chose qui va bien. Je n’ai plus de fièvre et je suis maintenant à quatre quarts, ce qui signifie en langue vulgaire que j’ai permission de manger une portion entière. Le coup de baïonnette ne sera bientôt plus qu’un souvenir, et la plaie du genou, qui s’était mal trouvée du froid, reprend bonne façon depuis qu’on la panse au jus de citron. C’est, à ce qui paraît, le traitement qui réussit le mieux quand on craint la pourriture d’hôpital ; vous voyez que je me hâte de vous faire profiter de mes expériences. Qui sait, pauvre maman, si vous n’avez pas aussi vos blessés à l’heure qu’il est, et si l’avis de votre fils indigne ne vous sera pas bon à quelque chose ?

Ce que j’apprends à connaître encore ici est le singulier attrait que peuvent exercer les malades. Cela m’explique des vocations que je n’avais jamais comprises. Quelle patience chez ces hommes ! qu’il est aisé de leur faire plaisir ! Si je n’étais soldat, je voudrais être infirmier. Nous avons ici beaucoup de fièvres typhoïdes, je sais l’histoire de l’une d’entre elles, je vais vous la dire, quoiqu’elle soit triste.

Dès son établissement à Oucques, à la fin d’oc-