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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Nos conducteurs refusèrent de nous dire à quel corps ils appartenaient, mais j’avais lu, à Allaines, un ordre en allemand affiché dans la salle d’auberge, et nous savions qu’ils étaient Hessois du 22e corps, général von Wittich.

Nous n’avions certainement pas fait deux kilomètres sur la route d’Orléans que la voiture s’arrêta. Nos volets furent levés, les trèfles à jour même bouchés avec quelques chiffons sales, et l’obscurité parut complète. Nos Hessois avaient cependant eu soin, pour prévenir l’asphyxie, de baisser à demi la glace de devant du coupé. Le siège, et leurs personnes dessus, devaient empêcher que nous pussions rien apercevoir par là, mais ils n’avaient pas encore tout calculé ; car avec un mince filet d’air frais nous arrivaient aussi les sons extérieurs, et il nous fut bientôt aisé de deviner que nous traversions une foule rassemblée. Les pas réguliers, les chocs d’armes, un murmure sourd, nous le disaient. Au bout d’un quart d’heure, nous sentîmes que la voiture quittait la route ; j’eus un redoublement de frayeur, mais Adolphe me fit remarquer que, quoique dans les champs, nous suivions probablement encore la même direction, car nos roues faisant moins de bruit, nous entendions distinctement une quantité de chevaux au pas régulier. Ce devait être un défilé de cavalerie dont notre voiture eût troublé l’ordre.

« Nous arriverons peut-être pour une bataille, » m’a