Page:Boissonnas, Une famille pendant la guerre, 1873.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

188
UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

doute des camarades ; on va au moins défendre la ville. »

« Vous êtes engagé volontaire ? demandai-je.

Il rougit jusqu’aux tempes, peut-être de ce que je le jugeais trop jeune pour avoir été appelé au service.

« Oui, madame, répondit-il doucement, et naturellement je veux me battre. »

Il reprit son fusil, un vieil instrument aussi lourd que lui, et comprenant mon regard de surprise :

« La moitié seulement de ma compagnie avait des chassepots, » ajouta-t-il.

J’ai donné à chacun des partants un morceau de pain et très-peu de saucisson, car il faut être économe. Les deux hommes qui voulaient rester se sont enfin décidés à les suivre.

« Vous voyez ce que fait l’exemple, » ai-je dit tout bas à mon petit engagé ; il a encore rougi et s’est esquivé. Que Dieu le garde !

Même jour, après midi.

Tout notre monde a eu sa pitance, on peut donc respirer.

Nous comptons vingt-huit hommes au lit en ce moment et une dizaine qui peuvent aller et venir. Je ne sais combien d’autres ont passé s’échappant ; ils ont eu du vin et un peu de pain.