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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

d’activité du feu de l’ennemi ; le même vacarme continue toute la nuit ; le matin nous apprenons que des obus sont tombés dans le quartier Saint-Jacques, rue Gay-Lussac et boulevard Saint-Michel. La population n’en paraît point émue, quoique quelques habitants des quartiers atteints quittent leur domicile. On est résolu à voir en beau, et l’avis général est que les Prussiens ne se seraient pas décidés au bombardement de la ville même, ce qui sans avertissement préalable est monstrueux comme fait de guerre, s’ils n’étaient pas eux-mêmes menacés. On les juge pressés d’en finir par crainte de la province, et l’attente d’une délivrance prochaine fait saluer presque gaiement les formidables détonations des grosses pièces de siége.

Est-il besoin de te dire que je ne partage pas la commune espérance ? Ce peuple est bien toujours le même, prompt à l’illusion, volontiers séduit par l’absurde, mais si admirablement généreux qu’il cherche des excuses à ses pires ennemis, et cela sous leurs bombes mêmes.