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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Seigneur, » disait David, Existerait-il pour nous seuls un malheur sans fond ni terme ? Les détails sont si affreux que je ne veux ni les croire ni les répéter. J’aime mieux penser aux consolations qui nous restent.

André n’était pas au Mans[1], et Paris tient toujours !

Il y avait dans notre courrier une lettre du fils Barbier pour ses parents ; tu sais qu’il a été fait prisonnier à Josnes ; sa lettre était timbrée de Barmen en Prusse ; nous avons décidé de la porter nous-mêmes, et bien vite, à sa pauvre mère. Nous avions besoin de voir un peu de joie pour supporter la pensée de cet abandon du Mans.

Il y a six kilomètres de Thieulin à la ferme. Que fait-on quand on n’a plus ni chevaux ni voitures ? On prend un âne. — J’ai donc pris l’âne de Pierre et même sa petite charrette, afin de rapporter quelque victuaille si la basse-cour de la mère Barbier se trouvait moins dépeuplée que les nôtres, car de ce côté-ci on n’a plus rien, mais rien.

Rouler en charrette à âne quand on a de bonnes fourrures, que le soleil brille sur trois pouces de neige, qu’on a son mari avec soi et qu’on va porter des nouvelles à une pauvre mère inquiète, ne manque

  1. Le lecteur sait au contraire qu’André avait rejoint l’armée avant la bataille du Mans.