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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

Et il ajouta en regardant son père : « Toujours pour maman… Elle aura tant besoin d’être consolée de n’avoir pas été avec vous ! »

L’opération réussit ; le calme et la résignation du patient étaient d’heureux augure.

La nuit fut bonne, et les jours qui suivirent affermirent l’espoir. Son père, qui ne le quittait pas, arrêtait au passage toutes les nouvelles, qui se succédaient alors plus tristes les unes que les autres. C’était la déroute de Saint-Quentin, la déroute du Mans, les premières négociations pour l’armistice qu’il s’agissait de cacher.

Mais le malheur du pays se respirait dans l’air, il était sur les visages, il se sentait partout, même quand il ne s’avouait pas ; et Maurice disait : « Donnez-moi donc une bonne nouvelle et je guérirai tout de suite ! »

Il parlait souvent de son frère André. Plus sérieux que lui par caractère, Maurice avait eu moins d’intimité avec ce frère qu’avec ses parents ; mais maintenant, il semblait qu’un instinct secret le poussât à ramener comme une consolation le nom d’André, les espérances que donnait André, l’aimable caractère d’André, dans toutes les conversations avec son père. « Vous verrez quel homme ce sera, » répétait-il sans cesse. Et le malheureux M. de Vineuil ne conservait, à cette même heure, aucune espérance sur André ! Il pensait que trop de désastres avaient