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UNE FAMILLE PENDANT LA GUERRE.

pacifique cité. Non, mon cher père, permettez-moi de vous le dire, vous n’aurez pas plus de quinze jours de siége. Messieurs de fours verront, même sans leurs lunettes, qu’il n’y a plus en France un soldat digne de ce nom, que Paris, une fois bloqué, ce n’est ni eux ni nous qui le débloquerons, et comme, après tout, cet état des choses n’est pas leur faute, ils vont dire à Guillaume : — Entendez la raison, Sire… et à la France : — Nous n’avons rien, ni hommes, ni matériel, soumettons-nous et pensons à mieux faire une autre fois.

Mais, cher père, j’entre dans vos domaines en abordant la politique et mieux vaut vous conter ce que nous faisons ici. Que je vous remercie d’avoir fait de moi un simple lignard ! Rien n’est plus drôle que cette vie-là au sortir des bancs de l’École de droit. En ce moment, la chasse à l’espion est à l’ordre du jour, et chaque ambitieux des galons de caporal veut avoir pincé le sien. Cela amène les scènes les plus comiques. Une autre curiosité est la crédulité de nos pauvres compatriotes. Pourvu qu’une idée soit étrange et impossible, sa fortune est faite ; elle devient un bruit et toute une population passe à la suite de ces bruits divers, aussi peu fondés les uns que les autres, du plus profond découragement à des accès de fol enthousiasme. Hier, Strasbourg était pris ; aujourd’hui, cette prise n’aurait été qu’une feinte. Les héroïques Strasbourgeoises au-