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dépit, sur ce qu’il vient de me dire qu’il avait le bonheur d’être aimé de vous.

Éliante, au marquis.

Quoi ! monsieur, vous êtes capable…

Le Marquis, l’interrompant.

Eh ! madame, quel mal y a-t-il à cela ? Vous êtes femme de condition, je suis homme de qualité ; vous êtes riche, j’ai du bien ; vous êtes veuve, je suis garçon ; vous avez dix-neuf ans, j’en ai vingt-quatre ; vous êtes belle, je suis aimable ; nous sommes faits l’un pour l’autre, nous nous aimons tous deux ; à quoi bon le cacher ?

Éliante.

Mais je ne vous aime pas, monsieur ; et quand cela seroit, je veux qu’on ait de la discrétion : j’aime le mystère.

Le Marquis.

Le mystère, madame ? Ah ! fi ! le mauvais ragoût !

Éliante.

Oui, en France, où l’on n’aime que par air, où l’on n’aspire à être aimé que pour avoir la vanité de le dire, où l’amour n’est qu’un simple badinage, qu’une tromperie continuelle, et où celui qui trompe le mieux passe toujours pour le plus habile. Mais ce n’est pas ici de même. Nous sommes de meilleure foi ; nous n’aimons uniquement