Page:Boissy-Oeuvres de Théâtre de M. Boissy. Vol.2-1773.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai quitté sans retour le tumulte des armes
Pour prendre le parti des Belles-Lettres.

LISETTE.

Pour prendre le parti des Belles-Lettres.Toi !

CHAMPAGNE.

J’ai l’honneur d’y tenir par mon illustre emploi.

LISETTE.

Oui, comme le souffleur tient à la Comédie.

CHAMPAGNE.

Mon cher Maître, en mourant, m’a légué son génie,
En dépit des Pandours.

LISETTE.

En dépit des Pandours.Ils l’ont donc égorgé ?

CHAMPAGNE.

J’ai trompé seul leur rage, & ne l’ai point vengé.

LISETTE.

Jeune, plein de mérite, il est bien regrettable.
Lucile, qui l’adore, en est inconsolable.
Elle est, depuis six mois qu’elle le sait péri,
Occupée à pleurer cet amant si chéri.
La douleur qui l’accable est d’autant plus cruelle,
Que son secret n’est su que de moi seule & d’elle.

CHAMPAGNE.

Je la plains.

LISETTE.

Je la plains.Ce trépas entraînera le sien.
L’amour que j’ai pour elle est l’unique lien
Qui peut me retenir dans cette solitude,
Je lui préférerois le Couvent le plus rude.
On rit, on voit du moins des hommes au parloir,
Mais tout est morne ici du matin jusqu’au soir.
Ses parens en un mot deviennent si bizarres,
Que j’aimerois autant servir chez les Tartares.
Sa tante qui s’écoute, est malade en santé.
Elle ressent toujours quelque incommodité.
Aujourd’hui, c’est la tête, & demain la poitrine.
Mais son mal est au fond, l’ennui qui la domine.