Page:Bonnecorse - Lutrigot, 1686.djvu/11

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en public un plus heureux talent.
Terpsicore rougit, et garde le silence,
Le sentiment du dieu la surprend, et l’offence,
À la honte succede un genereux depit,
Elle veut soûtenir ce qu’elle a déja dit.
Elle aimoit Lutrigot d’une amitié fidelle,
Lutrigot dans ses vers n’invoquoit jamais qu’elle,
L’honoroit, la flatoit, lui disoit cent douceurs,
Et ne comptoit pour rien toutes ses autres sœurs.

La muse croïoit faire en defendant sa cause,
D’un rimeur un poëte, et de rien quelque chose ;
Mais elle se retire, et va dans son chagrin
Consulter à l’instant le livre du destin.
Dans ce livre sacré que l’Olimpe revere,
Ecrit d’un immuable, et brillant caractere,
L’avenir est sans voile, il s’y découvre aux yeux,
Et l’on y voit le sort des hommes, et des dieux.
De tant d’evenemens Terpsicore ravie
Cherche de Lutrigot la fortune, et la vie ;
Non pour y mesurer la course de ses ans,
Mais pour voir le progrés de ses vers médisans ;
À la fin elle y lit que d’un effort extrême,
Cet autheur doit un jour enfanter un poëme.
Ah ! C’est assez, dit-elle, et je puis desormais
Parler de Lutrigot au gré de mes souhaits.
Je veux à l’avenir que le Parnasse advoûë
Que cet esprit fecond merite qu’on le loûë.
Malgré ses envieux nous en viendrons à bout.
Qui peut faire un poëme est capable de tout.
Pour chercher Lutrigot, le surprendre, et lui plaire,
La muse se deguise en nanon l’horlogere,
L’espouse de La Tour, heros à redouter,
Que ce fameux autheur devoit bien-tôt chanter.
Elle en estoit connuë, et la fille divine
En prend le port, les traits, l’air, la taille et la mine,
Seme son teint brillant de roses, et de lis,
Et puis sur une nuë elle vole à Paris.
Une maison étroite, et dont l’architecture