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des yeux le Rhin majestueux qui coule vers son destin, a-t-il eu la vision étrange et confuse de son propre destin (l’Aube, pp. 112-117).

Avant de clore son « œuvre cyclique » à la dernière page, Romain Rolland voulut, en octobre 1912, dans une courte préface, dire adieu à ses amis et lui-même adieu à son âme passée. Dans l’Aube nouvelle, ou plutôt dans la Nouvelle journée (p. 9), qui est le titre provisoirement imprimé sur la couverture, il précise et explique son œuvre. « J’ai écrit la tragédie d’une génération qui va disparaître, je n’ai cherché à rien dissimuler de ses vices et de ses vertus, de sa pesante tristesse, de son orgueil chaotique, de ses efforts héroïques et de ses accablements sous l’écrasant fardeau d’une tâche surhumaine, toute une somme du monde, une morale, une esthétique, une foi, une humanité nouvelle à refaire... »

Jean Christophe n’est pas un roman, au sens banal du mot ; c’est une vie, une suite de romans ; une vie multiple, capricieuse, diverse, ondoyante, qui suit le rythme des jours, le bercement des deuils ou des joies ; une vie agitée ou calme, enthousiaste ou monotone, pareille à la vie et au destin. Les événements, si minimes qu’ils paraissent, ne sont là, comme le recommande Mme  de Staël, dans sa préface de Delphine, « que l’occasion de développer les passions du cœur humain. » Musicien et historien avant tout, Romain Rolland a raconté ou, si l’on veut, reconstitué la vie de Jean-Christophe : biographie critique et passionnée, historique et romanesque, d’un musicien de génie, personnage imaginaire qui tient de Beethoven et de Wagner, de Mozart et de Gluck. C’est avec raison que M. Seippel (op. cit. numéro 196, pp. 163-164) a dit que les trois grandes vies héroïques de Beethoven, de Michel Ange et de Tolstoï « correspondent aux différentes parties de Jean-Christophe. » Non pas que