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CHARLOT S’AMUSE

inouïe, d’un coup sec des épaules, il desserra les jambes de l’ignorantin, et, ivre de fureur, penchant la tête, il lui mordit le mollet à pleines dents. Frère Eusèbe étouffa un cri et se releva, se secouant du geste d’un homme qui sent les crocs d’un chien percer ses vêtements. Charlot épuisé, alla rouler à quatre pas sur le tapis.

Alors, il se fit un silence, l’homme et l’enfant restant en face l’un de l’autre, la bouche sèche, l’œil perdu. Le frère se réveilla le premier au tintement fêlé de la pendule. Un grand frisson le secoua et il se souvint, pris de peur tout à coup à l’idée d’une dénonciation de la victime. Il courut à l’enfant :

— Allons, Bébé, debout et habille-toi !

Charlot obéit. Quand il eut repassé son pantalon, l’ignorantin ouvrit la porte et le poussa dehors, mais sur le palier il lui murmura une dernière menace à l’oreille :

— Tu sais, si tu te plains, tu auras affaire à moi : je recommencerai !

Charlot dévala sans répondre et se sauva au fond du jardin. Les larmes lui venaient maintenant ; sa douleur physique se fondait en une crise de pleurs, et à l’âcre cuisson des sillons qui marbraient sa peau se mêlait je ne sais quelle honte, quelle pudeur féminines au souvenir de