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CHARLOT S’AMUSE

phtisiques ont, dit-on, parfois la prescience mystérieuse de leur condamnation. Ses terrifiantes lectures aidant, peut-être lui aussi se sentait-il perdu.

En réalité, la solitude plus que tout encore empirait son état. Sa protectrice ne comptait guère, infirme maintenant, et, depuis quelques mois, entourée de prêtres et de religieuses qui, prévoyant sa fin prochaine, guettaient ses biens, montaient la garde autour d’elle et la refroidissaient contre son fils d’adoption. Il ne la voyait plus que le soir, lorsqu’avant de se coucher il allait l’embrasser. Son ami Lucien Leroy, lui, l’avait quitté, il allait y avoir un an. Un coup de tête. L’oncle remarié, la naissance d’un cousin, à qui reviendrait une fortune depuis longtemps escomptée par le précoce compagnon, et le besoin aussi de prendre son vol, la folie des voyages que fait plus obsédante la vie étroite d’une existence monotone, dans un trou : toutes ces causes avaient conduit le compagnon d’enfance de Charlot dans un régiment d’infanterie de marine, à Toulon, et les lettres du jeune engagé au camarade resté au nid devenaient, peu à peu, plus rares et plus courtes.

Seul, il était seul, le malheureux. Dans la petite ville il ne connaissait que des prêtres,