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CHARLOT S’AMUSE

autour de lui. Alors, pour lui donner du courage, ses amis le firent entrer dans les buvettes. Sur leur invitation, il vidait petits verres sur petits verres, mais, seule, sa démarche s’alourdissait et ses yeux conservaient leur fixité surprise. Dans les caboulots même, du reste, son dégoût éclatait. Accoudé sur le comptoir de sapin recouvert de fer-blanc, il regardait les gens aller et venir dans la petite boutique, et le rideau d’indienne qui masquait la porte s’ouvrir et retomber sans relâche. C’étaient des filles qui accouraient en fumant, pour prendre un verre d’anisette et racoler des clients. Au moment de payer, elles se troussaient et tiraient de l’argent de leurs bas. Plus souvent, c’étaient des couples qui, débraillés encore, venaient, avant de se séparer, trinquer à leurs passagères amours. Puis, dans les coins, des marchés se concluaient. Il y avait des discussions, d’âpres marchandages. De petits soldats, tentés, comptaient leur monnaie, proposaient des prix. Et le tapage ne discontinuait pas, dans l’odeur amère de l’absinthe, dans la fumée opaque tombant du plafond, au milieu d’un mélange criard d’uniformes et de jupons, d’épaulettes rouges et jaunes, de pompons verts, de plumets tapageurs et de cols bleus. Des sabres ne cessaient d’égratigner les dalles