Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
CHARLOT S’AMUSE

la mort de son père, il criait, désespéré, de sa voix sanglotante :

— Papa ! papa ! ne bats pas maman… Elle ne le fera plus !…

Alors, l’ouvrier s’arrêta. Un instant, il demeura immobile, pris du désir fou de reprendre le gamin sur son bras et de partir ; puis, il secoua la tête, se rhabilla en un clin d’œil et se sauva sans bruit.

Quand il se trouva sur les bords du canal, le malheureux chancela. Sa tête était en feu, ses oreilles bourdonnaient. Il se mit à genoux sur le quai, dans la boue, et se plongea la tête dans l’eau, à plusieurs reprises. Plus calme, il se releva et s’en fut au hasard, tout droit. Parfois, il s’arrêtait, monologuant, ou battant du poing les murailles.

Derrière lui, deux sergents de ville encapuchonnés suivaient la berge, riant silencieusement à voir le déhanchement de la silhouette de l’égoutier danser sur les trottoirs à chaque réverbère. Au seuil du poste des Écluses-Saint-Martin, ils s’arrêtèrent pour suivre l’ombre du regard.

— Voilà un particulier qui tient une jolie cuite ! fit l’un.

— Oui, mince de biture ! répondit l’autre.