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CHARLOT S’AMUSE

légendes ne fussent point vraies ; il lui aurait été doux de se réveiller une fois par an, et, pendant une heure, d’avoir conscience de son repos, de sa névrose enfin annihilée.

Onze heures sonnèrent à Saint-Laurent. Déjà ! murmura-t-il avec un frisson. Une sueur mouilla ses tempes et toute la révolte instinctive de son être passa dans une subite chair de poule. Il avala un autre grand coup, vidant à moitié la bouteille, et, aussitôt une chaleur entra en lui, qui fit battre plus violemment ses artères. Il se pencha, regarda l’eau, étonné de ne plus entendre, au pied des portes, sur les pierres, sa chanson monotone. Elle tombait toujours du même jet, avec les mêmes éclaboussures, le même clapotis et, dans son ressaut, plus bas, le même gargouillement. Comment ne l’entendait-il plus ? Était-ce l’habitude ? et introduisant ses petits doigts dans ses oreilles, il se secoua d’un mouvement agacé. Alors, de nouveau, le murmure de l’eau frappa son tympan ; c’était son sang qui bourdonnait et lui oblitérait l’ouïe.

À ce moment, dans le grand silence de ce coin de quartier solitaire et désert, des cris d’enfant partirent d’une des maisons du bord du quai. Cela le fit songer à son fils. Il l’avait oublié. Et, brusquement, il pensa qu’il était