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CHARLOT S’AMUSE

pressant. Et la pauvre fille sanglotait presque, affolée de passion, et, sur l’insistance du prêtre la contraignant à préciser, disait toutes ses angoisses amoureuses et ses nuits troublées :

— Eh bien ! oui… je me touche…

Elle avait ainsi des mots à elle, naïfs, qui chatouillaient l’abbé, ravi de cette innocence perverse, pour avouer les caresses solitaires dont elle trompait son amour, lorsqu’elle rêvait au blond pasteur, sa bouche collée sur l’image de Jésus au cœur ardent.

L’abbé haletait. Appuyé contre la porte, il secouait le confessionnal entier. Anne, à travers le vasistas, cherchait ses lèvres. Leurs bouches séparées par le treillage se rapprochèrent et confondirent leurs haleines dans un baiser ardent dont le bois prit la moitié, mettant sur leur langue l’amère saveur du vieux chêne. Et ce fut comme du piment dans la douceur sensuelle de ce premier contact de leur chair.

Quand la jeune fille, toute pâle et les yeux rayonnants, quitta l’église, l’abbé lui avait donné rendez-vous pour le lendemain matin, dans sa chambre.

Elle ne put dormir impatiente, trouvant trop lente à venir l’aurore de son bonheur. À pointe d’aube, elle était debout, inquiète maintenant