Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
CHARLOT S’AMUSE

Les jours se passèrent ; peu à peu, elle ne songea plus à ses illusions perdues. Le bon Dieu était un mâle : elle l’aima comme tel, bientôt résignée. Ce n’était point cependant tout à fait encore une nymphomane ; mais sa vie de fille sauvage et maltraitée, élevée au grand air, au bord des grèves, avait prématurément aiguisé tous ses sens. De l’épilepsie alcoolique de sa mère, elle gardait, d’ailleurs, une sensibilité nerveuse, une sensuelle lascivité et une religieuse exaltation qui, exaspérées par la rencontre du prêtre, la prédisposaient à l’hystérie. Celui-ci, en effet, était profondément corrompu, comme tous les hommes ayant vécu solitaires. Ayant perdu toute crainte, et trouvant Anne sous sa main, à toute heure du jour et de la nuit, il réalisa sur elle, lassé de la possession banale, toutes les expériences érotiques que peut concevoir le cerveau d’un de Sade soutané. Ses lubriques fantaisies pervertirent bientôt la jeune fille, la viciant jusqu’à la moelle dans une dépravation dont elle n’avait pas conscience, forcée de taire à toutes ses monstrueux plaisirs, n’ayant plus d’étonnements, et s’imaginant, naïve, que toutes les femmes en pouvoir de mari devaient se prêter à ces raffinements obscènes et à ces perfectionnements voluptueux.