Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
67
CHARLOT S’AMUSE

cendre le cercueil dans la fosse sans sortir de son impassibilité, et le bruit des pelletées de terre martelant de roulements sourds les planches du cercueil ne la réveilla pas, ne lui rappelant que sa lutte avec Rémy dans l’ombre, l’autre nuit, lorsque le poing du mâle s’abattait sur elle, faisant sonner sa chair nue.

Quand ce fut fini, quand, au sortir du funèbre enclos, on se sépara, il fallut qu’une des voisines venues jusque là lui prit le bras pour l’emmener. Elle mourait d’envie de suivre les hommes, les camarades de son mari, afin de se retrouver avec Rémy ; mais ils la saluaient à la grille, gauchement, avec une brève et banale consolation, et couraient chez un marchand de vin en face, où, suivant l’habitude populaire, ils se faisaient servir du pain et du fromage, buvant de nombreux litres, tout en parlant du défunt, chacun voulait l’avoir mieux connu que les autres, ou racontant à sa façon comment il avait péri.

Quand Rémy passa devant elle, le dernier, elle lui tendit la main, les yeux baissés, mais lui coulant un regard tendre à travers ses cils et ne pouvant se décider à lâcher le compagnon. Une joie lui venait à entendre le contre-maître balbutier, pris d’embarras. Il semblait à la veuve qu’il avait rougi, et, incapable de