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CHARLOT S’AMUSE

pières dès qu’il était au lit. Et il ne rêvait plus, ne cherchant plus à comprendre ce qu’il avait vu faire au chauffeur, et ses mains, trop lasses pour la recherche des inavouables caresses, restaient jusqu’au matin immobiles sur sa couverture, dans un repos réparateur.

C’était le bonheur cela, et le gamin n’avait pas souvenance d’avoir jamais été aussi heureux.

Il était depuis près d’un mois à l’école ; on était aux premiers jours de mai. Dans le jardinet des frères, le printemps s’annonçait par des pousses vigoureuses, la chaleur des beaux jours en retard crevant violemment, comme pour rattraper son avance, les bourgeons des lilas, verdissant les gazons pourprant les corbeilles de géraniums et, dans l’ensoleillement de ce petit coin, où la réverbération des murailles nues des maisons voisines et des toits en zinc couvait une plus lourde atmosphère, mettant comme un furieux besoin de rut.

Un jeudi, après le dîner, pendant que sous couleur de prières, les maîtres faisaient la sieste au dortoir, en attendant l’heure de la promenade, frère Eusèbe appela Charlot.

— Bébé ! viens répéter ton catéchisme.

L’enfant, tout rouge d’avoir joué au soleil, à travers la cour, fit la moue, alla chercher son