Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/14

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Leur gloire a subi de longs jeûnes ;
À peine eut-elle un envieux ;
On me disait : Ils sont trop jeunes !
Comme on va dire : Ils sont trop vieux !

Je les aimais pourtant, à l’heure
Où dans la nuit, quand tout se tait,
La douce muse intérieure
À demi-voix me les chantait ;

Enfant, tu t’en souviens peut-être,
Car souvent tu ne dormais pas,
De ton lit blanc à la fenêtre
Ta mère allait à petits pas ;

De fermer tes yeux sous tes voiles,
Longtemps en vain nous l’essayions ;
Et le ciel était plein d’étoiles,
Et le berceau plein de rayons !

Alors, plus loin j’allais écrire,
Sous la lampe au pâle reflet,
Un vers où manquait ton sourire
Mais où mon cœur au moins parlait.

Plus tard, quand tu fus grande et sage,
Près de moi tu venais t’asseoir
En me disant : « Père, à l’ouvrage ! »
Et c’était mon repos du soir.