Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/49

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Le maître avait raison de parler de la sorte,
Mais on le comprit mal d’abord ; je sais pourquoi ;
Des écoliers tout bas murmuraient : « Peu m’importe
« Que Pierre ait des habits tout neufs ! Chacun pour soi ! »

Jean seul avait compris — l’amitié nous éclaire ! —
D’un ton à demi fier et modeste à demi :
« Monsieur, je ferai tout ce qui pourra vous plaire,
« Dit-il ; c’est ennuyeux ! mais Pierre est mon ami. »

Ce qui fut dit fut fait. Au bout d’un mois à peine
Jean était un modèle accompli, me dit-on ;
L’exemple, même bon, aisément nous entraîne ;
Pierre à son tour devint sage comme Caton.

Ce n’est pas tout : la classe entière devint sage ;
On eût dit des oiseaux sommeillant dans la nuit ;
Jamais des députés n’ont fait moins de tapage !
Jamais des sénateurs ne firent moins de bruit !

Amis, l’exemple est bon à tous tant que nous sommes,
Et, sans craindre un sourire incrédule ou railleur,
Imitons cet enfant, car même pour les hommes
C’est l’esprit fraternel qui rend l’esprit meilleur !

Soyons sages, pour ceux qui le sont moins peut-être.
Aimons-les d’un élan utile et généreux ;
Devinons leur angoisse, et faisons-leur connaître
Tout le prix du travail, en travaillant pour eux !