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LES FÉES.

tirer de ce rapprochement une conséquence décisive, nous ferons remarquer que le nom de Fata appartenait à trois divinités sœurs, que les anciens désignaient aussi sous la qualification de Maires ou Mères[1]. Un cippe de la ville de Valence, en Espagne, porte, sur une de ses faces, une inscription ainsi conçue : Fatis Q. Fabius ex voto. Sur les trois autres faces du monument sont représentées trois femmes, avec les attributs qu’on prêtait d’ordinaire aux Maires. Une médaille d’or de Dioclétien, publiée par Pignorius, dans ses notes sur les Images des Dieux, a pour revers ces trois mêmes femmes, avec cette légende : Fatis victricibus ; aux Destinées victorieuses[2].

Les Maires, ou Destinées, n’étaient autres que les trois Parques, personnifiant sous ce titre les attributs les plus magnanimes de leur rôle : elles présidaient à la conception et aux enfantements ; décidaient de la longueur et de la brièveté de la vie, du bonheur ou du malheur des individus, enfin de la richesse ou de la pauvreté des familles, selon qu’on s’étudiait à les gagner. On les représentait tenant dans leurs mains des pommes ou une corne d’abondance, parce qu’elles veillaient à la prospérité des maisons, et qu’elles y répandaient leurs largesses[3]. Elles n’étaient pas, ainsi qu’on l’a cru, seulement des divinités champêtres ; elles étaient invoquées dans les villes comme dans les campagnes, et les puissants et les victorieux réclamaient leur protection aussi bien que les humbles et les faibles. Un bas-relief trouvé à Metz représente, sur le frontispice d’un temple, trois déesses qui tiennent des fruits ; sur le fronton est cette inscription : In honore domûs divinae Dis Mairabus vicani vici pacis ; les habitants de la rue de la Paix ont consacré ce monument aux déesses Maires, en l’honneur de la famille impériale[4].

L’identité de leur nom, la concordance de leur nombre,

  1. Mairæ, Matres, Matronæ.
  2. Dom Martin, Rel. des Gaulois, t. ii, chap. xxiii et xxiv.
  3. Dom Martin, ibid.
  4. Gravé dans Montfaucon, Antiq. expliq., t. ii, p. 433.