Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
TRÉSORS CACHÉS.

chemar plein d’angoisses. — À tel endroit, vous dit-on à chaque pas, dans telle pauvre chaumière, il y avait un trésor caché ; le diable s’y montrait chaque jour, sous la forme d’un chien ou d’un animal inconnu. On commença alors à faire des perquisitions pour trouver le trésor ; mais, à mesure que les travailleurs avançaient dans leur opération, ils étaient troublés par des cris horribles, par des apparitions effrayantes ; le fantôme de la personne à qui avaient appartenu les richesses enfouies, ne cessait d’errer à l’entour, en réclamant des prières pour le salut de son ame. Le trésor a été découvert, mais ceux qui l’ont enlevé de sa cachette sont morts misérablement avant l’année révolue !… Cette terrible catastrophe ne dissuade pas cependant de la préoccupation de faire une heureuse rencontre ; il est vrai qu’on peut donner le change à la vengeance des esprits infernaux, en faisant tirer le trésor trouvé, par un cheval, un chien, ou quelque autre animal propre à cette fonction expiatoire, c’est-à-dire à peu près impropre à toute autre. Nous avons eu un exemple remarquable d’asservissement à ce préjugé, lors de la découverte d’un trésor antique, faite à Berthouville, petite commune près de Bernay, le 21 mars 1830. Ce trésor, qui se composait d’environ soixante-dix objets en argent : de vases, de patères, de figurines, etc., fut révélé d’une manière tout-à-fait fortuite. Une tuile romaine, placée debout, à un demi-pied de la surface du sol, arrêta la charrue d’un villageois qui labourait son champ. Pour se débarrasser de cet obstacle, le laboureur emprunta la pioche d’un ouvrier voisin, et parvint facilement à arracher cette tuile ; il put alors contempler sa riche trouvaille ! Mais la joie ne troubla point sa présence d’esprit ; à l’aide de la pioche, il arracha, sans y porter les mains, le précieux dépôt de sa cachette, le fit entrer dans un sac, et le chargea sur le dos de son vieux cheval, victime innocente, dévouée au sacrifice[1] !

Tous les possesseurs de trésors ne sont pas aussi hasardeux

  1. Aug. Leprevost, Mém. des Antiq. de Normandie, années 1831-1833, p. 75.