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CHAPITRE VIII.

que le propriétaire de Berthouville. Quand on soupçonne qu’un trésor est caché dans une maison, ceux des habitants qui sont un peu inquiets du salut de leur corps ou de leur ame, vont consulter un prêtre, parce que son ministère lui donne droit de subtiliser à Satan toutes ses richesses[1]. Le prêtre, comme on doit s’y attendre, refuse de se prêter à ce manège superstitieux : mais on se garderait bien alors d’interpréter son refus par un motif raisonnable ; on l’explique plutôt par des insinuations assez peu flatteuses, quoique très discrètes, en répétant tout bas que le prêtre ne s’est pas trouvé assez pur pour tenter l’œuvre qu’on réclamait de lui. Mieux avisé, après cette tentative malheureuse, on s’adresse aux chercheurs de trésors, que le paysan normand ne désigne point autrement que par l’épithète semi-diabolique de sorciers, qui donne la mesure du pouvoir occulte qu’il leur suppose. Les sorciers, chercheurs de trésors, sont toujours assez damnés pour affronter le diable ; aussi ne manquent-ils pas de découvrir les trésors et de s’en emparer frauduleusement, aux lieux même où jamais trésor ne fut caché ; c’est-à-dire qu’ils préfèrent, après avoir soutiré quelqu’argent à ceux qui les font travailler, passer pour exercer une industrie de fripons, plutôt que de laisser croire qu’ils font un métier de dupes.

Mais, de ce que nous voyons ici le génie des chercheurs de trésors se mettre au service des hallucinations les plus absurdes, des crédulités les plus niaises et des inductions les plus erronées, il ne faut pourtant rien inférer de désavantageux sur l’importance et la dignité de la profession en elle-même. L’historique des chercheurs de trésors leur offre plus d’un motif de se prévaloir : l’antiquité de leur origine mérite d’a-

  1. Les auteurs de la Biblioth. Germanique ont inséré, dans leur 44e vol., p. 138, une formule latine des exorcismes que l’on prononçait pour chasser les Diables gardiens des trésors cachés ; et M. Aug. Leprevost (Mémoire cité ci-dessus) a rapporté un exorcisme analogue, qui se trouve dans deux très anciens manuscrits de la Bibliothèque de Rouen, sous ce titre : Oratio super vasa in loco antiquo reperta.