Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
CHAPITRE IX.

développé. Une tradition particulière s’attache aux monuments ainsi disposés, et sert à les signaler.

Les observations nombreuses dont elles sont journellement l’objet, ne tendent point à démontrer qu’une fonction prédominante ait été assignée à la généralité des pierres druidiques. Toutes les idées civiles et religieuses que comporte l’enfance des peuples, se sont défendues et consacrées à l’aide de ces monuments de l’architecture primordiale. Au reste, en assignant des emplois divers et variés aux pierres celtiques, il est peu difficile encore d’expliquer comment elles auront été, sans distinction, converties en divinités. Même dans ses essais les plus informes, l’architecture a dû se révéler, d’abord, ce qu’elle est encore de nos jours, l’art imposant et glorieux, particulièrement destiné à produire les apothéoses Mais cet art, dont les premières applications consistèrent, sans doute, à sanctionner les choses divines, ou à diviniser les choses humaines, devint bientôt Dieu lui-même. Cette déviation superstitieuse n’a rien qui doive nous surprendre. L’erreur fondamentale du fétichisme et de l’idolâtrie n’était-elle pas de substituer à l’hommage, au culte pur de la Divinité, celui de quelques-uns de ses attributs matériels et souvent des plus infimes ? Par la même raison que, dans les religions primitives, le Créateur était sans cesse confondu avec la créature, le monument et son objet ne se distinguèrent point non plus l’un de l’autre. L’autel fut Dieu, le trône fut Roi, une table de pierre devint la Loi vivante. C’est qu’à ces époques où l’homme vivait encore dans une complète ignorance de lui-même et de ses propres facultés, il ne pouvait diriger les élans du sentiment religieux qui s’éveillait en lui, autrement que par l’aveugle influence de ses sensations, et non par le libre consentement de son cœur et de son esprit. Mais, ces erreurs même du sentiment religieux servirent à l’éducation providentielle de l’homme. L’intelligence humaine, à ces premiers âges du progrès, n’aurait pas su, lors même qu’elle l’eût préconçue, conserver l’idée de la Divinité dans l’abstraction des formes