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CHAPITRE IX.

habitants de nos campagnes d’une adoration impure envers les fontaines, les forêts et les pierres, et il enjoint, en même temps, de s’abstenir des pratiques sacrilèges qu’entraînait une semblable idolâtrie. Deux siècles plus tard, les mêmes abus subsistaient encore. « À l’égard des arbres, des pierres ou des fontaines, dit un capitulaire de Charlemagne, où quelques insensés vont allumer des chandelles et pratiquer d’autres superstitions, nous ordonnons que cet usage soit aboli ; que celui qui, suffisamment averti, ne ferait pas disparaître de son champ les simulacres qui y sont dressés…, soit traité comme sacrilège[1]. »

On retrouve encore, dans les coutumes traditionnelles, et dans les habitudes superstitieuses des habitants de nos campagnes, des vestiges curieux du culte rendu aux pierres, et des cérémonies du druidisme. L’usage de mettre au foyer, le jour de Noël, la plus énorme souche du bûcher, celui d’allumer de grands feux dans la campagne le jour des Rois, et celui de parcourir les champs en portant des Coulines, ou brandons allumés, sont autant de souvenirs des pratiques établies par les Druides, pour la célébration de la fête du soleil au solstice d’hiver. Une croyance très étrange, qui existe encore aujourd’hui, se rattache également aux traditions de cette époque consacrée : Ces divinités formidables qui s’incorporaient jadis aux pierres érigées, n’ont pas cessé de manifester leur présence miraculeuse ; Aussi, certains monuments druidiques, que l’on a surnommés, à cause de cette circonstance, Pierres tournantes ou tourneresses, s’animent et se mettent d’eux-mêmes en mouvement le jour de Noël, à l’heure de minuit. Nous trouvons à citer, en Normandie, un nombre assez considérable de ces pierres miraculeuses. Dans la commune du Bosgouet, canton de Routot, au hameau de Mallemains, sur le bord d’un bois voisin de celui de Perray et de la forêt de

  1. Cité par M. de Caumont, Cours d’Antiquités monumentales, t. I, p. 118.