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MONUMENTS DRUIDIQUES.

culière, qu’elles nomment la Pierre du bonheur, et à laquelle elles attribuent le pouvoir d’accorder la prospérité, de délivrer de tout danger, et de leur amener, en temps convenable, un bon mari[1].

On ne doutera pas de la ferveur d’enthousiasme qui présidait à l’érection des pierres druidiques, si l’on se rend compte des efforts qu’il en a dû coûter pour mouvoir ces masses gigantesques, dans un temps où les moyens mécaniques étaient presque nuls, et les connaissances si bornées. C’est pourquoi, lorsque le culte des pierres fut aboli, que la signification de ces simulacres informes cessa d’être comprise, et que leur destination fut oubliée, le peuple imagina qu’ils n’avaient pu être dressés que par un concours merveilleux. Il fut admis, en tradition générale, que nos fées, ces gracieuses héritières des redoutables Druidesses, avaient jadis transporté les peulvans, bâti les dolmens, construit les enceintes sacrées. Aussi appela-t-on Quenouilles des Fées, les monuments de forme pyramidale ; Grottes des Fées, les galeries couvertes ; Mottes des Fées, les tombelles ou tumulus. C’étaient les fées qui avaient apporté chacune des pierres composant ces monuments, tantôt sous leurs bras, tantôt dans les poches de leur tablier, sur le rebord de leur chapeau, ou même sur la pointe de leur quenouille, tout en filant, et sans interrompre leur travail. Le fameux géant éternisé par Rabelais : Gargantua, qui passe, parmi nos villageois, pour avoir eu une influence très grande sur la destinée de leurs pères, a partagé, avec les fées, le privilège d’établir son patronage sur les pierres druidiques, et, plus particulièrement encore, sur les monuments naturels de forme gigantesque et singulière.

Nous avons dit qu’il arrivait souvent que trois monuments, soit peulvans, soit dolmens, fussent disposés de manière à former un plan triangulaire. Les monuments ainsi reliés l’un avec l’autre sont désignés par une appellation caracté-

  1. F. Schoberl, Excursions in Normandy, t. I, p. 254.