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CHAPITRE X.

caution efficace : « Bouchez les fontaines, dit-il, coupez les bois consacrés au culte des faux dieux. » Dans la forêt de Brotonne, il existe plusieurs fontaines bouchées, et d’autres qui, depuis, ont repris cours, l’étaient précédemment. La tradition affirme que des balles de laine avaient été employées à cet effet. Ceci se raconte, en particulier, de la source de Grainetieu, située dans le triage de la Houssaye[1]. Une tradition semblable se rattache à la rivière de Dun, ainsi qu’à plusieurs sources, situées au pied de la côte Saint-Auct[2]. Il est probable que cette opinion se retrouve encore en beaucoup d’autres endroits.

De même que la vertu des fontaines médicinales fut attribuée au patronage des saints qu’on y invoquait, les influences malfaisantes, qui résultent en général du voisinage des eaux, furent considérées comme un effet de la présence maudite des démons. « Les fontaines ombragées, dit Tertullien, les ruisseaux écartés des chemins et sentiers, les bains, les citernes des maisons, les puits, font foi de la présence des malins esprits qui y hantent, par le souffle pernicieux qui tantôt tue et étouffe, tantôt jette dedans, tantôt afflige et possède ceux qui en approchent[3]. » Mais ces démons malins, qui répugnaient à se désister de leur domaine, ont su s’y maintenir quelquefois par une apparente substitution où les fées servaient de prête-nom. Nous avons eu déjà occasion, dans un précédent chapitre, de mentionner les puits des fées, situés aux environs de Dieppe. En Bretagne, où, mieux qu’en Normandie, les fées ont conservé toute l’étendue de leurs droits, elles ont un grand nombre de fontaines sous leur patronage. Dans le même pays, le peuple croit encore se rendre favorables les esprits

  1. Fallue, Rapport sur les Antiquités de la forêt de Brotonne, (Mém. des Antiq. de Normandie, 1836, p. 394.)
  2. Guilmeth, Histoire de la ville d’Elbeuf, p. 271.
  3. Tertullien, De Baptismo, cité par Le Loyer, Disc. des Spect., liv. iv, ch. 12.