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LOUPS-GAROUS.

Dans l’arrondissement de Pont-Audemer, les loups-garous courent seulement pendant l’Avent. Les individus qui sont devenus loups-garous, par suite d’un pacte fait avec le diable, ont le privilège de se pourvoir de telle figure d’animal qui leur convient ; c’est le plus souvent la figure d’un chien, d’un chat ou d’un cheval. Le loup-garou est désigné fréquemment sous le nom de Varou, et, quelquefois, sous celui de Haire ; on dit : courir le varou, courir la haire[1].

C’est un besoin impérieux, lorsqu’on est loup-garou, que de remplir, à l’époque favorable, les obligations du métier, au moins en ce qui concerne les promenades nocturnes. Est-ce Satan qui l’exige ainsi, ou n’est-ce pas que les clartés douteuses du ciel, l’aridité des champs dépouillés, la sonorité de l’espace désert, ont des appels sympathiques pour les instincts farouches du loup-garou ? Toujours est-il que, à l’heure dite, il brave tout, jusqu’à la crainte de se trahir, pour accomplir sa mission vagabonde.

Dans le canton de Cormeilles, un fermier courait le varou ; ses gens en eurent le soupçon et complotèrent de s’assurer du fait. Un soir, ils prolongèrent la veillée, à dessein, ayant soin, sous divers prétextes, d’empêcher le maître de gagner la porte. Cependant, l’heure fatale était arrivée ; ce malheureux, ne pouvant plus se contenir, s’élança sur un manche à balai, l’enfourcha, et disparut par la cheminée.

Un loup-garou qui est reconnu, a un grand risque à courir, outre la perte de sa bonne renommée et les attaques violentes dont il peut être l’objet : si la personne qui le rencontre s’avise de le nommer par son nom d’homme, sa pénitence de sept années doit recommencer de ce jour, comme dans le cas où l’on manque l’épreuve nécessaire pour le délivrer. Le diable est fin, dit-on ; aussi l’on voit que, avec les loups-garous, il n’a pas engagé la partie sans s’y ménager plusieurs chances favorables.

  1. En Basse-Normandie, aux deux appellations que nous venons de citer, on ajoute aussi celle de Guérou.