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CHAPITRE XII.

Un loup-garou peut être tué, mais c’est à certaines conditions, dont les unes lui servent de défense, et dont les autres, au contraire, lui présentent de nouvelles embûches. Pour réussir à tuer un loup-garou, il est de nécessité de se servir de balles bénites, et il ne faut avoir confié à personne son dessein. Ces précautions prises, il n’est pas utile d’ajuster le loup-garou, il suffit de tirer sur son ombre. Quelques personnes prétendent même que c’est à l’ombre seule qu’il faut s’attaquer. Lorsqu’il a été atteint ainsi, le loup-garou doit inévitablement périr. Cependant, il n’expire pas sur-le-champ, mais il ne regagne jamais sa demeure. Il va tomber quelques pas plus loin, presque toujours auprès d’un bâtiment inhabité. En mourant, le loup-garou reprend sa forme humaine ; seulement, sa taille a grandi d’une manière remarquable, et l’une de ses jambes s’est allongée de manière à dépasser beaucoup l’autre[1].

Dans le Bessin, on croit que les sorciers ont le pouvoir de transformer les hommes sur lesquels ils jettent leur dévolu. Ils affectent, pour ces métamorphoses, la forme d’un chien, plutôt que celle d’un loup. On appelle Rongeur d’os un homme ainsi transformé, qui se promène la nuit dans les rues de Bayeux, en rongeant des os et en traînant des chaînes. Pour qu’il puisse reprendre sa forme naturelle, il faut le frapper aussi de manière à lui faire répandre quelques gouttes de sang, mais il est indispensable que la blessure soit faite au moyen d’une clef[2].

L’efficacité de ces différentes recettes, pour la délivrance des loups-garous, a-t-elle été jamais mise à l’épreuve ? C’est de quoi nous doutons fort ; le zèle de la vengeance l’emportant trop souvent, dans l’ame de nos villageois, sur celui de la charité Toutes les historiettes qui circulent dans nos cam-

  1. Notes communiquées par M. A. Canel.
  2. Pluquet, Contes populaires de l’arrond. de Bayeux.