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CHAPITRE XII.

barons et ses vassaux. Le chevalier, qui avait épousé la femme du Bisclavaret, y vint comme les autres ; mais notre loup ne l’eut pas plutôt aperçu, qu’il s’élança sur lui, le mordit et lui fit une blessure très profonde. Chacun s’étonna de cet accès de fureur, qui n’était pas dans les habitudes du Bisclavaret ; aussi fut-on persuadé qu’il n’avait agi de la sorte que par une raison de vengeance qu’on ne pouvait pénétrer.

À quelque temps de là, le roi retourna chasser dans la forêt où il avait rencontré le Bisclavaret. Instruite du passage de la cour, l’épouse infidèle réclama une audience, pour offrir un présent au monarque ; sa demande lui fut octroyée. Mais à peine cette méchante femme entrait-elle dans la chambre royale, que le Bisclavaret se jeta sur elle, comme il avait fait sur son mari, et lui arracha le nez du visage.

Quand Bisclaveret la veit venir
Nul hum nel’poeit retenir,
Vers li curut cum enragiez,
Oiez cum il est bien vengiez.
Le neis li esracha del’vis ;
Quei li peust-il faire pis ?

Le Bisclavaret fut menacé de toutes parts ; on l’aurait infailliblement mis en pièces, si un sage n’eût pris sa défense. Sur les représentations de cet homme prudent, le roi fit emprisonner la femme du Bisclavaret, afin qu’elle fût contrainte, si elle le savait, d’avouer quel motif de haine cette bête avait contre elle. La dame effrayée confessa la traîtrise dont elle s’était rendue coupable, et dit qu’elle supposait que le Bisclavaret n’était autre que son premier mari. Alors le roi exigea qu’elle fît apporter les vêtements qu’elle avait soustraits. On mit ces habits devant le Bisclavaret, qui ne sembla pas d’abord y donner attention, et, comme chacun s’en étonnait, le sage, qui s’était constitué son protecteur, fit observer qu’il était probable que le Bisclavaret ne voulait pas