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ESPRITS MÉTÉORES.

des résultats acquis, et l’erreur, quelle qu’on l’ait faite, lui convient mieux que le doute.

Au nombre des phénomènes physiques mal interprétés, et qui ont engendré quelques-unes de nos superstitions populaires, il faut citer d’abord les Feux-Follets. Il n’est pas besoin d’expliquer à nos lecteurs que les feux-follets sont des exhalaisons de gaz inflammable, qui s’élèvent dans les endroits marécageux, et produisent une petite lumière vacillante et capricieuse que la dénomination de follet caractérise pittoresquement. Ce genre de phénomène n’est pas absolument rare ; mais, comme il se multiplie en raison de la nature des terrains, il devait être beaucoup plus fréquent avant qu’un certain laps de siècles eût permis ces travaux de dessèchement et d’assainissement qui résultent de la longue occupation d’un territoire. De nos jours, il est plus commun en Amérique qu’en Europe[1]. On a remarqué aussi que certaines époques de l’année étaient favorables à sa manifestation. Le peuple le redoute, surtout pendant l’Avent, soit par expérience, soit par idée superstitieuse.

Les anciens, qui connaissaient ce phénomène, en tiraient des augures. Quand ils voyaient deux feux-follets accouplés, ils les appelaient Castor et Pollux, et les tenaient pour un heureux présage. Quand il n’en paraissait qu’un, ils le nommaient Hélène, et le présage en était funeste.

Comme avait fait l’antiquité, le moyen-âge consulta sa mythologie religieuse pour expliquer les feux-follets. L’opinion universelle établit que c’étaient des esprits, tantôt démons, tantôt lutins ou revenants. Les esprits feux-follets sont malicieux et cruels, et leur rencontre est regardée comme très dangereuse. Quoique, en réalité, les feux-follets soient immobiles, les vacillations de leurs jets lumineux éblouissent le regard, au point de faire supposer qu’ils changent de place,

  1. Observations physiques sur les Feux-Follets, (Revue britannique, 51e livraison.)