Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
250
CHAPITRE XIII.

vail, c’est que de méchants esprits gouvernent les tempêtes, font gronder l’ouragan, amoncellent les nuées et les poussent dans telle ou telle direction, suivant leur fantaisie. Ces esprits ont pour auxiliaires, dans leur œuvre abominable, des sorciers malfaisants, des bergers rancuniers, quelques-uns de ces mauvais sujets qui sont la plaie d’un canton. Toute cette engeance maudite s’ingénie à malfaire et à nuire aux honnêtes gens. Heureusement, la bonté du ciel a ménagé certains moyens de détruire leurs maléfices. Le son des cloches, par exemple, a le pouvoir de détourner les tempêtes et de contrarier singulièrement les promoteurs d’orages. Nous pouvons citer, à ce propos, un fait qui, pour s’être passé hors des limites rigoureusement tracées de notre Normandie, ne doit pas moins intéresser nos lecteurs, parce qu’il caractérise parfaitement la superstition que nous désirons leur faire connaître. Il y a plusieurs siècles, il existait dans la paroisse de Notre-Dame-de-Bonneval, en Beauce, département d’Eure-et-Loir, trois cloches, dont la plus grosse surtout, appelée Marie, était réputée pour avoir toute puissance sur les orages, quelque terribles qu’ils fussent. Or, une nuit que des Meneurs de nuées en amenaient une, qui était affreusement orageuse, sur la ville, cette nuée s’arrêta tout-à-coup, comme si un obstacle invincible entravait sa course. Alors on entendit ces paroles prononcées dans les airs : « Mais avance donc, les autres nous poussent par derrière. — Je ne peux pas, mon père, voilà Marie qui parle. — Alors, prends par le côté. » Et la nuée se détourna, si bien que la ville fut préservée, grâce au carillon argentin de Marie qui s’était fait entendre à temps. On reconnut la voix des meneurs de nuées ; c’étaient deux mauvais sujets d’un bourg voisin. Ils en voulaient à la ville, et croyaient braver Marie ; mais ils échouèrent, et, en punition, moururent dans l’année[1].

Qui de nous n’a pas entendu raconter, dans son enfance, cette autre anecdote non moins effrayante et singulière : Deux voya-

  1. Desgranges, Mém. de la Société des Antiq. de France, t. I, p. 244.