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POSSESSIONS.

nastère de Louviers, nous le représentent comme un infâme rejeton des gnostiques, un prêtre audacieux et pervers, se complaisant à insinuer d’abominables doctrines, à l’aide des hypocrites formules d’une fausse spiritualité. Mais ce jugement n’est porté que d’après les mauvais résultats de sa direction, car il paraît que tout en lui était fait pour attirer la confiance et commander le respect, aussi bien les dehors de sa personne que les semblants de sa conduite : « Il avait la façon d’un grand serviteur de Dieu, d’un grand spirituel, d’un grand directeur », suivant les propres expressions de ceux qui se sont le plus acharnés à ternir sa mémoire. Peut-être cet extérieur ne trompait-il pas. Voici ce qu’on pourrait croire encore : Le directeur était zélé, ferme, abstrait, contemplatif ; toutes ses facultés spiritualisées mettaient aisément le corps en oubli. Le troupeau, au contraire, était timide, agité, livré aux embûches des sens, soumis aux émotions décevantes d’une imagination inquiète dans un corps fragile. Tous les efforts du directeur, pour entraîner ses ouailles à sa suite et les faire avancer dans la voie d’une perfection sublime, n’avaient réussi d’abord qu’à les lancer imprudemment hors de ce cercle étroit, mais artistement fortifié, où la Règle avait posé ses minutieuses entraves. Dans l’espace illimité qui s’offrait ensuite, espace rempli de pièges et voilé d’illusions, l’œil d’un guide expérimenté pouvait seul découvrir une route invariable et sûre. Malheureusement, ce guide manqua tout-à-coup aux pauvres abandonnées : David fut obligé de quitter le monastère de Louviers, quelques procès l’ayant appelé à Rome et à Paris. À peine était-il de retour, que la mort vint le surprendre, alors qu’il reprenait sa tâche avec plus de ferveur, et avant qu’il pût mettre à l’abri des égarements où elles s’aventuraient déjà, celles dont le salut dépendait de sa surveillance, et dont la garde avait été confiée à ses soins. Une circonstance suspecte servit plus tard, à tort ou à raison, à confirmer les outrageuses accusations dont on a flétri la renommée du prêtre David. La supérieure des reli-