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CHAPITRE PREMIER.

Tel est le début d’une ancienne chronique normande ; et ce peu de lignes, si humbles de ton, et si complètement dépourvues de prétention scientifique, renferment tout ce que les investigations d’une critique laborieuse ont pu jusqu’alors nous apprendre de certain sur le plus ou le moins de réalité historique du duc Aubert et de ses descendants : Robert-le-Diable et Richard Sans-Peur.

Cependant, pour la plupart de ceux qui se sont enquis des premiers éléments de notre histoire, cette généalogie, si poétiquement fameuse, n’est autre chose qu’une superfétation romanesque de l’invention des Trouvères et des Chroniqueurs.

En effet, aucun des grands chroniqueurs de la première période : Dudon de Saint-Quentin, Guillaume de Jumiéges, Orderic Vital, Robert Wace, Henry de Huntington, Benoist de Sainte-More, n’a mentionné l’existence de ces ducs fabuleux. Ce n’est qu’à dater du xive siècle qu’on trouve leurs faits enregistrés au début des petites Chroniques de Normandie.

Mais, quelque fausse et controuvée que soit leur légende, tant par les faits que par la chronologie ; Robert-le-Diable et Richard Sans-Peur n’en ont pas moins, dans l’opinion d’un grand nombre de nos critiques modernes, une sorte de réalité historique, en ce sens que l’on croit pouvoir retrouver leurs prototypes, comme celui de beaucoup d’autres héros de la romancerie, parmi les personnages de l’histoire.

Là gît cependant une énorme difficulté, sur laquelle les critiques n’ont pu encore s’entendre. Lorsqu’on veut attribuer une réalité historique à un héros fabuleux, il faut savoir indiquer son véridique représentant par un signalement irrécusable. On a souvent tenté de semblables démonstrations à propos de Robert-le-Diable, mais avec cette erreur de conclure d’une quasi vraisemblance à une certitude absolue ; aussi est-il arrivé que les plus spécieux résultats des divers examens ont été ironiquement annulés par le simple effet de leurs contrastes. Robert-le-Diable compte maintenant autant de prototypes, reconnus par de savantes autorités, qu’il a