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LÉGENDES RELIGIEUSES.

mais sans pouvoir faire un pas pour s’en emparer. Voulant éprouver ce pouvoir mystérieux, Torstinge poussa son cheval en avant ; le fougueux animal recula d’abord sous l’éperon, puis, comme les chiens, demeura immobile. Alors, le seigneur Torstinge ne douta plus ; il mit pied à terre, fit une humble adoration au Seigneur, et, quand il sentit que la main divine, qui pesait sur lui, cessait de l’accabler, il retourna sur ses pas avec son accompagnement de chasse, et se fit un devoir de publier la merveille dont il avait été l’objet[1].

Cette circonstance miraculeuse fut un puissant stimulant qui détermina Richard I à céder aux sollicitations, qui lui étaient adressées de toutes parts, d’aider et de protéger le rétablissement de la pieuse retraite que glorifiait la mémoire de saint Wandrille et de ses fervents successeurs.


Légendes de l’abbaye de Jumiéges.


La célèbre abbaye de Jumiéges, assise sur les bords de la Seine, dans une contrée romantique et pittoresque, et dont les ruines majestueuses attirent encore de nos jours un si grand nombre de pèlerins, fut fondée en 654, par saint Philibert. La légende particulière de ce saint présente peu d’événements merveilleux ; aussi nous contenterons-nous d’en donner une rapide analyse, pour nous étendre ensuite davantage sur les fables pieusement singulières qui poétisent les souvenirs que les austères reclus de la terre gémétique ont laissés parmi nous[2].

  1. Appendix ad Chronicon Fontanellense, in Spicileg. Acherii, t. II, p. 285.
  2. Jumiéges se nommait autrefois la Terre gémétique : quelques auteurs prétendent que ce mot vient du latin gemere ou gemitus, à cause des pieux gémissements des moines qui l’habitaient ; les autres pensent qu’il dérive de gemma, pierre précieuse, parce que c’était la perle des monastères. (Deshayes, Hist. de Jumiéges, p. 1 et 2.)