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CHAPITRE XVII.

et de Théodon son fils, qui, suivant quelques auteurs, avaient été confinés dans le monastère de Jumiéges, après leur trahison envers Charlemagne. Cette remarque est applicable aussi à la conjecture de T. Duplessis, différente de celle de Mabillon, en ce qu’elle suppose que les figures, qui ont donné matière à tant de controverses scientifiques, sont les effigies des deux fils de Cartoman, fils ainé de Charles Martel et frère de Pépin-le-Bref.

Nous ne nous arrêterons pas à discuter ces hypothèses plus ou moins plausibles. La question peut demeurer pendante long-temps encore, car le tombeau des Énervés n’est point un simple cénotaphe, comme le croyait E.-H. Langlois, dont l’opinion, à cet égard, tranchait toute difficulté. On a découvert, sous ce monument sépulcral, deux squelettes couchés côte à côte, dont l’un, d’après l’examen des anatomistes, appartenait à un individu d’un âge avancé[1]. Par quelle étrange anomalie se fait-il alors que les figures sculptées sur le tombeau représentent deux adolescents du même âge ? Faudrait-il en revenir à l’opinion du savant Mabillon, et supposer que les figures que nous possédons maintenant sont une restauration du monument primitif qui ornait la tombe de Tassillon de Bavière, et de son fils ? Cette tombe, dont l’origine aurait été oubliée, serait cependant demeurée en honneur parmi les moines de Jumiéges, aurait donné lieu à l’invention de la fable des Énervés, et, par suite, à la composition des deux figures. Au reste, toutes ces suppositions ne peuvent avoir un degré de probabilité qu’en admettant, ainsi qu’il paraît résulter de quelques passages de certains chroniqueurs, entr’autres de Dudon de Saint-Quentin, que l’abbaye de Jumiéges n’avait pas été complètement ruinée par les Normands, et qu’elle était demeurée habitable[2].

  1. Voir une note de M. A. Deville : Essai sur les Énervés de Jumiéges, p. 53.
  2. Navibus Gimeias venit, vidensque S. Petri monasterium monachilis habitationis domibus adornatum, sanctumque reputans esse locum,