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LÉGENDES RELIGIEUSES.


légendes du mont-s.-michel et du mont-tombelaine


Du temps du roi Childebert II, c’est-à-dire vers l’an 706, saint Aubert, étant évêque d’Avranches, fut favorisé d’une vision merveilleuse. Le plus beau et le plus majestueux des anges lui apparut pendant son sommeil, et lui commanda de bâtir une église en son honneur. Cet ange n’était autre que le chef suprême des légions célestes, saint Michel, qui voulait être vénéré sur le mont Tumba en Normandie, comme il l’était déjà, en Italie, sur le mont Gargan. Aubert, quoiqu’il eût été attentif aux pressantes recommandations de l’ange, ne se mit point en peine, cependant, de s’y conformer. Ce retard ne provenait pas de la tiédeur, mais de la prudence du saint évêque, qui craignait d’être dupe d’une supercherie de Satan. L’ange renouvela deux fois ses apparitions ; puis, à la troisième, il ne se contenta pas d’accompagner ses injonctions de réprimandes ; pour manifester sa volonté par un signe visible, il appliqua son doigt sur le crâne de l’évêque obstiné. Cet attouchement forma une petite concavité qui demeura ineffaçable. L’évêque ne balança plus ; dès le lendemain, il se rendit sur le mont Tumba, suivi d’un grand concours de peuple.

Le mont Tumba n’était pas autrefois, comme maintenant, entouré de ces grèves solitaires que les brouillards voilent souvent d’une nuit impénétrable, et dont le sol perfide se dérobe sous les pas du voyageur inexpérimenté. Ce rocher se rattachait alors au continent par un terrain couvert de bois et entrecoupé de ravins rocailleux. Une petite communauté d’ermites vivait éparpillée dans ces forêts. Suivant la tradition, le miracle, par lequel sainte Austreberthe avait signalé sa puissance sur un animal farouche, se renouvela en faveur des solitaires du mont Tumba : Un âne, dressé à ce charitable office par le curé de la petite paroisse de Beauvoir, portait chaque jour, aux bons ermites, leurs provisions alimentaires. Un loup affamé s’étant rencontré, certain jour, sur la route de l’âne,