Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/408

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
375
LÉGENDES RELIGIEUSES.

l’avaient point trouvée dans la forêt, mais dans la fertile vallée où, d’ordinaire, ils gardaient leurs troupeaux, et qu’il restait encore deux rejetons semblables à celui-ci. « C’est bien, dit Bozo, j’irai demain avec vous, et je verrai si vous avez dit la vérité. »

Le lendemain, Bozo se rendit à la place que ses enfants lui avaient désignée, et trouva en effet les deux rejetons. Comme il possédait la science du jardinage, il enleva adroitement ces jeunes pousses, et les planta dans son jardin. Il se mit ensuite à travailler autour du tronc, qu’il dégagea de terre de tous côtés, jusqu’à ce qu’il fût entièrement à découvert. Il semblait alors à Bozo que c’était une tâche facile que de transporter ce tronc auprès de sa maison. Il employa, à cet effet, tous les efforts de ses bras, et des outils propres à faciliter son entreprise ; mais, malgré son courage et son adresse, il ne put parvenir seulement à remuer le tronc de place. Cependant, les rejetons qu’il avait plantés devinrent de grands arbres, en pleine prospérité, qui produisirent une quantité de beaux fruits. Comme on n’en avait point encore vu de semblable » dans le pays, ces arbres donnèrent leur nom au lieu où ils avaient été trouvés ; on l’appela le Champ du Figuier.

Bozo étant mort dans un âge fort avancé, Merca demeura à pleurer sa perte au milieu de ses enfants. Il arriva, certain jour d’hiver, qu’un homme d’un âge vénérable et d’un aspect imposant, vint frapper au logis de Merca, et réclamer avec instance l’hospitalité. Merca était fort charitable ; elle dispensa à son hôte toutes les prévenances délicates et les bienveillantes attentions que sa piété de cœur lui suggéra. Lorsque le soir fut arrivé, on se réunit autour du feu ; la pauvre femme, considérant alors son foyer où manquait la pièce principale, eut un de ces pénibles ressouvenirs qui la poursuivaient depuis son veuvage : « Ô mon bon mari, s’écria-t-elle, si vous viviez encore, nous aurions aujourd’hui à mettre au feu, pour faire honneur à notre hôte, quelque grande pièce de bois, comme celle avec laquelle on a coutume de réjouir le foyer aux jours de la nativité de Notre-Seigneur. » Ses enfants, voyant son