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LÉGENDES RELIGIEUSES.

l’église, encore à découvert, on s’occupait, avec un redoublement de vigilance, à préparer la charpente du toit. Mais le Seigneur voulut signaler, par un miracle, combien la construction de ce petit temple lui était agréable. Dans un certain village, sur la côte du Cotentin, on faisait édifier aussi une église consacrée à saint Marcouf ; les ouvriers venaient précisément d’en achever le toit, et se mettaient en mesure de le placer, se félicitant de l’heureux accomplissement de leur tâche, lorsque, tout-à-coup, une vague audacieuse franchit le rivage de la mer, s’élance sur le toit, l’enlève victorieusement, puis l’abandonne aux autres vagues empressées, qui, de l’une à l’autre, le transportent jusqu’aux grèves de Fécamp.

Lorsque les habitants de ce lieu aperçurent le présent que la mer leur apportait, ils n’imaginèrent pas d’abord quel parti ils en pourraient tirer. Cependant, après avoir examiné ce toit, ils se hasardent, par une détermination instinctive, à le placer sur la voûte de leur église. Quelle surprise ! Il s’y adaptait aussi parfaitement que s’il eût été confectionné d’après les mesures les plus exactes. Seulement il y manquait deux pièces de bois. On veut, sur l’heure, suppléer à cette omission ; on dépèce et on ajuste ces pièces de charpente, avec un empressement sans égal ; mais, par une particularité inouïe, elles se trouvent toujours ou trop longues ou trop courtes ; une si médiocre difficulté met l’adresse et l’expérience des plus habiles ouvriers en défaut. Le doute s’empare alors de tous les esprits, on commence à interpréter le miracle comme une dérision de la Providence. Sur ces entrefaites, un étranger se présente, et déclare que la mer vient de déposer, sur une autre partie du rivage, les deux poutres qui font l’objet de la préoccupation générale. On accourt au lieu indiqué, et l’on s’assure de la vérité des paroles de l’inconnu. Désormais le miracle est complet, et le toit est triomphalement dressé sur l’édifice. En peu de jours l’église fut achevée, mais l’histoire ne dit pas comment les habitants de Saint-Marcouf acceptèrent cette singulière aventure, et s’ils gagnèrent des indulgences à reconstruire un