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CHAPITRE XXIV.

l’ancien canal naturel que suivait autrefois le bras de l’Iton qui se dirige vers Breteuil, avant que celui-ci n’eût pris un cours souterrain. C’est à Villalet, au-dessous de Damville, que disparaît cette petite rivière, et c’est là aussi qu’existait jadis un moulin à eau. Or, le meûnier ayant refusé, certain jour, au diable qui l’en priait, de lui faire traverser la rivière dans sa barque, Satan, qui craint l’eau froide non moins qu’un chat échaudé, fut violemment irrité de ce manque de complaisance. Maugréant avec amertume contre l’espèce humaine, tout comme s’il eût eu quelques droits à en attendre une réciprocité de bons services, il conclut ses violentes récriminations par une menace formelle de vengeance. Pour Satan, concevoir une méchante action, c’est l’exécuter : en moins de quelques heures, l’Iton prit son cours à une grande profondeur souterraine. Le diable put alors traverser, à pied sec, le lit de la rivière ; mais le malheureux meûnier perdit, avec ses moyens de travail, l’heureuse aisance dans laquelle il avait vécu jusqu’alors.[1]


la cloche merveilleuse de corneville.


L’occupation de la Normandie par les Anglais a laissé quelques souvenirs vivaces dans la mémoire du peuple. Nous avons déjà parlé de la tradition relative aux trésors que nos ennemis, obligés d’abandonner leur conquête, auraient cachés en divers lieux de notre province. Une croyance merveilleuse, qui existait dans la commune de Corneville, était une allusion toute patriotique aux mêmes événements :

Après avoir dévasté l’abbaye de Corneville, les Anglais enlevèrent la cloche principale sur une barque, que cette charge trop pesante fit chavirer. Mais, tandis qu’on s’efforçait de retirer la cloche de l’eau, les Français survinrent, et les Anglais se virent contraints d’abandonner leur prise. Depuis ce jour, chaque fois que les clochers du pays retentissaient de

  1. Tradition orale, communiquée par M. Chassan, conservateur de la bibliothèque d’Évreux.