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RICHARD SANS-PEUR.

bas, croyant l’apercevoir au-dessous de lui, elle avait disparu sans qu’il sût ce qu’elle était devenue. Le veneur demeura encroué sur cet arbre jusqu’à ce que ses compagnons, attirés par ses cris, vinssent l’aider à descendre. Il leur raconta sa malencontreuse aventure telle qu’elle lui était advenue.

Nous avons laissé le duc Richard en retraite dans l’abbaye de Fécamp. Lorsque le roi d’Angleterre entendit parler que Richard Sans-Peur cessait de chevaucher par toute la Normandie, il crut que sa vaillance l’avait abandonné, qu’il n’était plus digne de sa grande renommée, et il osa se vanter qu’il saurait bien conquérir sa terre. Il s’en vint, en effet, avec toute sa suite et toute son armée, débarquer sur les côtes de la Normandie. Le bruit de cet évènement se répandit dans tous les lieux environnants, et la multitude accourut vers Richard, en s’écriant avec effroi : « Hâtez-vous, Sire ! pourquoi vous tenez-vous ainsi reclus, tandis que les Anglais sont entrés ? Avant huit jours ils auront tollu tout votre héritage, si vous ne venez promptement les chasser ». Le duc s’émut à ces avertissements ; il commanda à chacun de prendre les armes, et, lorsqu’ils furent bien armés et rangés en bon ordre, il se mit à leur tête, et marcha à l’encontre des Anglais. Il chevauchait en si grande hâte, qu’il précédait toujours sa suite de plus de trois portées d’une flèche hardiment lancée par un habile archer. Comme il avançait ainsi, il rencontra, en un grand val, un chevalier monté sur un cheval noir, et qui était lui-même plus noir qu’un Maure, et avait des dents plus blanches que le marbre. Ce chevalier salua Richard, et lui dit : « Sire duc, je suis venu pour guerroyer avec vous

Vos ennemis trestous me verres effiller[1].

« Mais il faut que vous consentiez à m’aider à votre tour, lorsque j’aurai guerre à soutenir. » Richard accéda volontiers, sans tansson, puis lui demanda quel nom il portait. « Je

  1. Roman de Richart.