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APRÈS LA MORT.

ment chez les chrétiens, où les restes de l’homme sont traités avec tant de ménagements et de respects, les honneurs de la sépulture sont une consolation ; en être privé a toujours été une honte ineffaçable, un suprême déshonneur. C’est qu’en effet les larmes et les prières, qui coulent sur une tombe, honorent la dépouille mortelle que recouvre la pierre et la mémoire qu’elle garde ; mais il n’y a que des malédictions et des hontes pour les cendres que la main du bourreau disperse à tous les vents de l’air.

Plus encore que les honneurs de la sépulture et la pompe magnifique dont sa famille entoura ses funérailles, le lieu qu’il avait choisi pour son repos semblait devoir le cacher au souvenir de son déshonneur. L’église des Carmes de Nantes était le lieu où reposait ce qu’il y avait dans toute la Bretagne de plus illustre par le nom et par les vertus. Là, dormaient déjà d’anciens ducs de Bretagne et des personnages célèbres dans toute la province ; là, vinrent bientôt reposer François II, Marguerite de Bretagne, sa première femme, et Marguerite de Foix, qu’il épousa en secondes noces ; là aussi, le 13 mars 1514. on déposa solennellement entre son père et sa mère, au milieu des larmes de tout un peuple, le cœur de la bonne duchesse Anne, non moins populaire à Nantes encore de nos jours, que le bon roi René, à Angers, Pour les tombeaux des Carmes l’immortel ciseau de Michel Columb sculpta le marbre le plus précieux : c’est à lui que l’on doit le tombeau de François II, sauvé pendant la Révolution par un ami des arts : aujourd’hui, sous le nom tombeau des Carmes, il est le plus bel ornement de la cathédrale de Nantes et l’une des plus belles œuvres de la sculpture française. C’est à l’abri et sous l’égide de ces glorieux nom que se réfugia la mémoire de Gilles de Rays : mais le voisinage de ces grands hommes n’était propre qu’à faire ressortir sa présence. Le visiteur, qui lisait son nom sur le marbre, s’étonnait, à bon droit, de le trouver rangé parmi ces personnages illustres et tant de crimes confondus avec tant de vertus.

Des monuments que renfermait l’église des Carmes,