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SON INTERDICTION.

tous et à chacun les lettres d’interdiction ; de les faire publier en tous lieux requis, et de défendre enfin, sous les peines les plus graves, aux capitaines et aux gardes des châteaux et des forteresses qui restaient encore à Gilles, de livrer ou de souffrir qu’on livrât ces places à des personnes étrangères, jusqu’à ce que le parlement en eût ordonné autrement.

Cette défense fut publiée à son de trompe, au mois de novembre 1435 ou 1436, dans Orléans, Tours, Angers, Champtocé, Pouzauges, Tiffauges, Saint-Jean-d’Angely et dans plusieurs autres lieux. Le comte de Laval, gendre du duc de Bretagne, les notifia lui-même à son beau-père, au dire de Désormeaux ; et par voie administrative à tous les capitaines de places, et en particulier à celui de Champtocé, Charles de Layeul[1]. Cet arrêt contrariait les vues égoïstes de Jean V, le cupide duc de Bretagne. Il se montra froissé au plus haut point des lettres d’interdiction, jusque là qu’il forma une opposition formelle à l’arrêt de Charles VII, et qu’il couvrit Gilles de Rais de sa protection et de ses faveurs. Mais que cet appui devait coûter cher au maréchal ! Toutefois, le duc, avant de se mettre en révolte ouverte contre le roi de France, tenta la voie des négociations, et députa vers Charles VII, à Niort et à Saint-Jean-d’Angely, son fils Pierre avec une magnifique ambassade, afin d’obtenir de lui le pouvoir de contracter avec Gilles de Rais. Démarche inutile ; car Charles VII fut inflexible, et saisit même l’occasion de notifier la défense dont nous venons de parler, à Pierre de Bretagne et aux autres ambassadeurs[2]. De ce moment Jean V ne garda plus aucune mesure. C’est en vain que « la femme, les parents et les amis » de Gilles, sollicitèrent le duc de laisser publier l’arrêt royal dans les villes du duché ; il ne voulut jamais le permettre, se réservant ainsi de pouvoir contracter ou par lui-même ou par d’autres avec le maréchal interdit. Il osa même aller envers la famille du maréchal jusqu’à l’injure

  1. Mémoire des Héritiers, fo 15, vo ; 16, ro et vo.
  2. Mémoire des Héritiers, fo 18 vo ; 19, ro.