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GILLES DE RAIS.

fauts » que faisait élever Gilles de Rais et dont parlent nos documents, étaient tout différents et bien autrement coûteux. Ils étaient partout uniformément construits d’après le même modèle. Pour répondre aux besoins d’un drame, qui embrassait quelquefois plus de cent endroits divers, la scène participait à l’immensité de la pièce par la multiplicité des lieux. Elle s’étendait parfois le long d’une rue tout entière, et avait plus de cent pieds de large, « sur lesqueulx, disent nos pièces originales, et pour tous le jeu était visible. » Le premier plan de la scène, la « galerie », le « solier », ou le champ, recouvrait et cachait l’enfer, dont la bouche était dérobée par un rideau ou par une tête de dragon artistement travaillée, telle qu’on la retrouve encore dans le vitrail ou le bas-relief de cette époque ; le second plan offrait de nombreuses « mansions » ; au troisième enfin, dominant tout, s’élevait le paradis, où siégeait éternellement Dieu, spectateur attentif du mystère qui se déroulait à ses pieds, sous ses yeux, et auquel il se mêlait de temps en temps[1]. Les acteurs ne quittaient jamais la scène. Cela répugne à nos idées présentes ; qu’on réfléchisse cependant qu’il en était ainsi sur le théâtre de la Grèce, où la présence permanente du chœur n’était guère plus vraisemblable. Sur cette scène toujours uniforme, mais d’étendue différente selon le drame, s’étalaient les nombreux « appareils » nécessaires au jeu de la pièce, et que Gilles faisait « toujours et à chaque foiz faire touz propres, qui luy estaient de grant coût et despense[2]. » Cependant non seulement ces théâtres gigantesques, élevés en plein air, entraînaient des frais immenses par les bois et les travaux de construction, et par les « appareils » de toutes sortes qui s’y trouvaient établis, mais ils coûtaient encore peut-être davantage par les décorations variées qui ornaient la scène. C’était, pour Gilles, une occasion nouvelle d’émerveiller les yeux de la foule par les magni-

  1. Paulin Paris, Mise en scène de Mystères, Paris, Dupont, 1883, broch. in-8.
  2. Loc. citat.