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SERMENTS.

ni lois humaines, par une contradiction singulière, le serment avait encore un caractère inviolable. Avant de les initier aux mystères de sa vie, Gilles leur demandait un serment. Le plus souvent il exigeait qu’il fut prêté sur les saints Évangiles, et quelquefois même jusque dans les lieux saints, dans les églises et près des autels. C’est ainsi qu’Henriet, lui ayant un jour amené un enfant de Nantes sous prétexte d’en faire un enfant de chœur pour la chapelle du maréchal de Rais, Gilles le conduisit dans l’église de la Trinité, à Machecoul : là, devant Dieu, auteur de la vie, il lui fit jurer sur le Christ de ne jamais dévoiler à personne les secrets qu’il pourrait lui confier à l’avenir : serments maudits, qui rappellent ceux dont les Templiers, dit-on, voilaient leurs infamies, et qui, en rendant une demi-sécurité à Gilles de Rais et en le rassurant du côté de la justice humaine, lui communiquaient une nouvelle ardeur pour le crime, mort ou débauche[1]. Ce n’était pas toutefois la seule précaution qu’il prenait contre la justice.

La plupart des victimes, en effet, étaient choisies parmi les jeunes mendiants. Car la charité de Gilles couvrait d’infâmes desseins et peuplait les abords de ses demeures d’embûches perfides ; sa générosité, en semant l’or autour de lui, n’avait d’autre objet que de moissonner pour ses plaisirs, et le faste prodigue dont il s’entourait était un appât, auquel la pauvreté se laissait prendre facilement. Si les petits pauvres, qui se présentaient à la porte du château pour y recevoir l’aumône, étaient étrangers et n’avaient ni père ni mère, on les faisait entrer dans l’intérieur[2]. Comme ils venaient souvent de fort loin, — car la libéralité du bon seigneur était répandue jusque dans les provinces voisines, — ils n’étaient point connus des habitants du pays et leur disparition n’était guère remarquée[3]. Qui s’occupe, en effet, du men-

  1. Proc. ecclés., Conf. de Henriet, p. xcvi. — Proc. civ., Conf. de Poitou, fo 385, vo ; Conf. de Henriet, fo 375, vo.
  2. Proc. civ., Conf. de Henriet, fo 383, ro. — Enq. civ. du 27 sept. 1440, p. cxx.
  3. Enq. civ. des 28, 29, 30 sept. 1440, p. cxxiii.