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DOUBLE RÉVOLTE.

main sur ses sujets, en reprenant enfin de vive force une place qui ne lui appartenait plus ; bien plus coupable encore, il s’était mis en révolte contre l’Église, en envahissant, les armes à la main et durant le sacrifice de la messe, une église consacrée au culte, et en osant porter la main sur un clerc : Jean Le Ferron, en effet, était entré dans la cléricature et avait reçu la tonsure des mains de l’évêque de Nantes[1] ; ainsi les immunités de l’Église avaient été doublement violées par un double attentat.

Jusque-là, le duc de Bretagne avait soutenu le maréchal de Rais contre sa famille et même contre le roi de France : mais il lâcha le lieutenant général de son duché et son frère d’armes, dès qu’il vit que ses propres intérêts étaient compromis par l’appui qu’il donnait à Gilles ; il brisa d’ailleurs très facilement une alliance, qui n’avait que le faible lien de la cupidité, et fit sommer le baron révolté de rendre Saint-Étienne-de-Mer-Morte et de remettre ses prisonniers en liberté : en cas de refus et de désobéissance, une amende de cinquante mille écus devait dédommager le duc des injustices dont il se disait victime. Cette somme énorme était la moitié du prix de Champtocé et d’Ingrandes : on le voit, Jean V n’avait garde d’oublier ses intérêts particuliers. Comme le duc l’avait espéré, pour toute réponse à cette sommation, le maréchal irrité se porta à de nouveaux excès. Il fit saisir Guillaume Le Ferron et Guillaume Hautrays, receveur du « fenaige », et quelques jours après, Jean Rousseau, sergent-général du duc de Bretagne, leur enleva leur dague et les fit jeter en prison ; en même temps, à Machecoul, les gens du duc, qui étaient venus lui enjoindre de payer l’amende de cinquante mille écus pour avoir mis la main sur leurs personnes et sur leurs biens, étaient, au mépris du droit des gens, roués de coups et accablés de mauvais traitements ; chaque jour enfin Gilles se livrait contre le duc et ses sujets à de nouveaux attentats. Enfin, pour mettre ses prisonniers hors de la puis-

  1. Proc. ecclés., p. civ et suiv.